Dans La Préparation du Roman , Barthes fait part d’une interrogation qui, lorsque je l’ai lue pour la première fois, me paraissait pertinente, allant de soi, mais qui me paraît de plus en plus curieuse. Elle concerne les lecteurs. Dans toute cette partie du cours, Barthes réfléchit aux raisons et méthodes menant à l’écriture. Son point de départ est que le désir d’écrire naît de la lecture, d’un choc esthétique que l’on voudrait reproduire ; défendre une cause, militer, distraire etc. sont des motifs valables mais plutôt rétrospectifs : des alibis. Cela me paraît très juste, la dynamique de la lecture et de l’écriture étant, me semble-t-il, bien plus centripète que centrifuge. Bref, un peu plus tard, après avoir fait un détour par les questions d’imitation et d’inspiration, Barthes en vient à une étrange digression s’intitulant « Ceux qui n’écrivent pas ». Et c’est là que survient cette interrogation faussement évidente : Barthes s’étonne qu’il y ait plus de lecteurs qu
« Hébété d’eau et d’horizon » après une traversée de l’Atlantique à bord d’un porte-conteneurs, Francis Tabouret, convoyeur de chevaux, décide de repartir afin de consigner cette expérience si singulière. Traversée est rédigé comme un journal de bord, depuis Rouen jusqu’à Fort-de-France. Dans une prose précise et discrètement mélancolique, l’auteur raconte la lenteur du trajet, la monotonie alliée à la splendeur. On pourrait presque parler de voyage immobile, image chère à Giono, pour décrire cette traversée sans paysage, où la route avance avec soi (« le grand ruban défile », disent les pilotes). Récit d’un voyage, donc, mais récit d’un trajet sans exotisme, aux échanges réduits au maximum. Ce qui fascine avant tout, c’est le porte-conteneurs, mastodonte cubique qui forme microcosme : « ce qui chaque jour est grand, démesuré, ce n’est pas l’océan, c’est toujours le bateau ». Cette arche de Noé moderne accueille des hommes de tous horizons, « des hommes sur l’eau qui partent pour ne