Hier, j'ai revu Nous nous sommes tant aimés, le film d'Ettore Scola sorti en 74.
Cela m'a une fois de plus subjugué.
Et pourtant, le film n'est pas sans défauts : il y a des longueurs, un côté mélo franchement assumé qui peut agacer, une représentation très discutable des personnages féminins. Il a ce défaut de ces films qui, traitant de l'amitié masculine reconduisent un imaginaire lassant, qui veut que la femme vienne toujours perturber la merveilleuse entente entre les mecs. Le truc de la tentatrice, vieux comme le monde. On voit souvent ça chez Hawks je crois, la perturbation du groupe masculin par l'intrusion d'un personnage féminin. Faut avouer que c'est un peu fatiguant à la longue, ces binarités débiles, l'amour ou l'amitié, l'engagement politique ou la petite-vie-de-famille-monotone, la création (seul) ou la vie au sein d'une communauté (à plusieurs donc vouée à la dispersion, à l'éphémère) ... ça manque tout de même considérablement de justesse, dans la mesure où ces dilemmes de tragédie de l'Âge classique, ça fait quand même bien longtemps qu'on les a dépassés. Voyez ce que disent les auteurs de l'excellent recueil d'entretiens de M. Page et C. Pierré, Les Artistes ont-ils vraiment besoin de manger ?, ils ont tous une famille et cette dimension sociale et affective, loin d'être un frein, est ce qui permet leur travail. Mais je m'éloigne.
Tout ça pour dire que les personnages féminins sont clairement sous-traités dans Nous nous sommes tant aimés. Aucune scène ne vient développer le personnage - délicieux au demeurant - de Luciana : la seule scène où elle fait véritablement quelque chose, c'est sur le plateau, recréé, de La Dolce Vita, en compagnie de Fellini et Mastroianni. Mais on comprend bien que c'est ces caméos et cette reconstitution qui intéressent Scola, plus que donner un arrière-fond au personnage de Luciana.
Bref, de ce côté-là, ça achoppe. De même, les scènes de Gianni-Gassmann avec son beau-père, le monstrueux châtelain véreux, impotent et fasciste : il est vrai que ces scènes servent de contrepoint comique et servent à montrer la décrépitude et les compromis douteux de Gianni, mais elles sont souvent un peu longues, un peu trop criardes.
Je me rends compte que je voulais encenser ce long-métrage et que je ne fais pour le moment que l'accabler ou, au mieux, dériver. Car c'est tout de même un film admirable, un de ceux qui parviennent le mieux à faire rimer grande histoire et destins individuels, à nous faire aimer des personnages aussi imparfaits, décalés, déçus.
Nous nous sommes tant aimés chantent, avec une mélancolie plus profonde qu'il n'y paraît au premier abord, nos regrets, nos déceptions. Les amours perdus, bien sûr, mais aussi la fougue politique des jeunes années, l'aspiration à changer un monde qui, tel un rouleau compresseur, a maté les idéalistes. Regret des choix de vie pathétiques des trois personnages : Gianni, le socia-traître, Nicola l'intransigeant ridicule et esseulé, et Antonio le terre-à-terre
Il faudrait faire une liste des films qui oscillent ainsi entre nostalgie et mélancolie : celui de Scola, à coup sûr dans les trois premiers, côtoierait Il était une fois en Amérique, La porte du paradis ou (et oui) The grand Budapest Hotel.
PS : Et puis, au-delà de tout ça, vous ne trouvez pas que l'on entend merveilleusement l'italien dans ce film ? J'ai appris plein de mots, de mots ronds et chauds qui coulent quand on les prononce.
Cela m'a une fois de plus subjugué.
Et pourtant, le film n'est pas sans défauts : il y a des longueurs, un côté mélo franchement assumé qui peut agacer, une représentation très discutable des personnages féminins. Il a ce défaut de ces films qui, traitant de l'amitié masculine reconduisent un imaginaire lassant, qui veut que la femme vienne toujours perturber la merveilleuse entente entre les mecs. Le truc de la tentatrice, vieux comme le monde. On voit souvent ça chez Hawks je crois, la perturbation du groupe masculin par l'intrusion d'un personnage féminin. Faut avouer que c'est un peu fatiguant à la longue, ces binarités débiles, l'amour ou l'amitié, l'engagement politique ou la petite-vie-de-famille-monotone, la création (seul) ou la vie au sein d'une communauté (à plusieurs donc vouée à la dispersion, à l'éphémère) ... ça manque tout de même considérablement de justesse, dans la mesure où ces dilemmes de tragédie de l'Âge classique, ça fait quand même bien longtemps qu'on les a dépassés. Voyez ce que disent les auteurs de l'excellent recueil d'entretiens de M. Page et C. Pierré, Les Artistes ont-ils vraiment besoin de manger ?, ils ont tous une famille et cette dimension sociale et affective, loin d'être un frein, est ce qui permet leur travail. Mais je m'éloigne.
Tout ça pour dire que les personnages féminins sont clairement sous-traités dans Nous nous sommes tant aimés. Aucune scène ne vient développer le personnage - délicieux au demeurant - de Luciana : la seule scène où elle fait véritablement quelque chose, c'est sur le plateau, recréé, de La Dolce Vita, en compagnie de Fellini et Mastroianni. Mais on comprend bien que c'est ces caméos et cette reconstitution qui intéressent Scola, plus que donner un arrière-fond au personnage de Luciana.
Bref, de ce côté-là, ça achoppe. De même, les scènes de Gianni-Gassmann avec son beau-père, le monstrueux châtelain véreux, impotent et fasciste : il est vrai que ces scènes servent de contrepoint comique et servent à montrer la décrépitude et les compromis douteux de Gianni, mais elles sont souvent un peu longues, un peu trop criardes.
Je me rends compte que je voulais encenser ce long-métrage et que je ne fais pour le moment que l'accabler ou, au mieux, dériver. Car c'est tout de même un film admirable, un de ceux qui parviennent le mieux à faire rimer grande histoire et destins individuels, à nous faire aimer des personnages aussi imparfaits, décalés, déçus.
Nous nous sommes tant aimés chantent, avec une mélancolie plus profonde qu'il n'y paraît au premier abord, nos regrets, nos déceptions. Les amours perdus, bien sûr, mais aussi la fougue politique des jeunes années, l'aspiration à changer un monde qui, tel un rouleau compresseur, a maté les idéalistes. Regret des choix de vie pathétiques des trois personnages : Gianni, le socia-traître, Nicola l'intransigeant ridicule et esseulé, et Antonio le terre-à-terre
Il faudrait faire une liste des films qui oscillent ainsi entre nostalgie et mélancolie : celui de Scola, à coup sûr dans les trois premiers, côtoierait Il était une fois en Amérique, La porte du paradis ou (et oui) The grand Budapest Hotel.
PS : Et puis, au-delà de tout ça, vous ne trouvez pas que l'on entend merveilleusement l'italien dans ce film ? J'ai appris plein de mots, de mots ronds et chauds qui coulent quand on les prononce.
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