« A tout désir d’évasion, opposer la contemplation et ses ressources »
Nous y voilà.
Mardi 17 mars, nous voilà claquemurés, confinés comme des cons finis. Tout notre malheur, dit-on, serait en ces longues heures silencieuses, cette réclusion. Par le truchement de Giono, on sait qu’un roi sans divertissement est un homme plein de misères. Sauf que nous ne sommes ni rois, ni sans divertissement. On va se remettre à lire longtemps, sans s’arrêter, comme au temps de notre enfance.
Bref, nous aurons de quoi bien nous occuper. Aux confins de nous-mêmes, il nous faut retourner.
*
Je n’aurais pas cru que si, un jour, l’on en arrivait à cette situation, je serais cloîtré dans le 14e arrondissement de Paris – arrondissement que je ne connais guère – non loin de la porte d’Orléans. Ironie du sort, la petite rue où est situé l’appartement de J., dans lequel nous allons passer quelques curieuses semaines, porte le nom d’un maire insignifiant de l’arrondissement au début du siècle – nationaliste, proche de la ligue des Patriotes – qui mourut de la grippe espagnole…!
Ce mode de vie auquel on se prépare, cette vie cloîtrée, a tout à voir avec l’activité principale de Noé (titre du chef-d’oeuvre de Giono sur lequel je me casse les dents cette année) peu avant de grimper dans l’arche : faire des listes. On liste des courses à faire, des activités prévues, des tâches ménagères remises au lendemain depuis si longtemps, des livres à lire, des films à voir, des mots délicieux (voir le Verbier de M. Vilkovitch). On énumère, on fait des pense-bêtes. Comme dirait Giono – qui choisit délibérément un mot qui, par ses sonorités rappelle un suffixe aussi disgracieux que péjoratif – on amasse.
Nous voici une fois de plus ramenés à quelque chose d’immémorial. L’anthropologue Jack Goody a montré que la liste et le tableau font partie des toutes premières formes d’écriture (inventaires de ressources, livres de compte de Mésopotamie). Lister, c’est rejouer un acte aussi simple qu’antédiluvien. Cette grandiloquence que j’affectionne est du plus grand divertissement.
*
Je n’aime pas la métaphore de « tenir un siège » : nous avons eu, hier au soir, notre lot de ce lexique militariste toujours relativement odieux. Comme dirait l’autre, la musique qui marche au pas, ça ne nous regarde pas.
*
Il faudra dans les jours à venir se prémunir contre l’engloutissement des informations, toujours plus ou moins décevantes.
*
Babel, à nous deux !
Nous y voilà.
Mardi 17 mars, nous voilà claquemurés, confinés comme des cons finis. Tout notre malheur, dit-on, serait en ces longues heures silencieuses, cette réclusion. Par le truchement de Giono, on sait qu’un roi sans divertissement est un homme plein de misères. Sauf que nous ne sommes ni rois, ni sans divertissement. On va se remettre à lire longtemps, sans s’arrêter, comme au temps de notre enfance.
Bref, nous aurons de quoi bien nous occuper. Aux confins de nous-mêmes, il nous faut retourner.
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Je n’aurais pas cru que si, un jour, l’on en arrivait à cette situation, je serais cloîtré dans le 14e arrondissement de Paris – arrondissement que je ne connais guère – non loin de la porte d’Orléans. Ironie du sort, la petite rue où est situé l’appartement de J., dans lequel nous allons passer quelques curieuses semaines, porte le nom d’un maire insignifiant de l’arrondissement au début du siècle – nationaliste, proche de la ligue des Patriotes – qui mourut de la grippe espagnole…!
Ce mode de vie auquel on se prépare, cette vie cloîtrée, a tout à voir avec l’activité principale de Noé (titre du chef-d’oeuvre de Giono sur lequel je me casse les dents cette année) peu avant de grimper dans l’arche : faire des listes. On liste des courses à faire, des activités prévues, des tâches ménagères remises au lendemain depuis si longtemps, des livres à lire, des films à voir, des mots délicieux (voir le Verbier de M. Vilkovitch). On énumère, on fait des pense-bêtes. Comme dirait Giono – qui choisit délibérément un mot qui, par ses sonorités rappelle un suffixe aussi disgracieux que péjoratif – on amasse.
Nous voici une fois de plus ramenés à quelque chose d’immémorial. L’anthropologue Jack Goody a montré que la liste et le tableau font partie des toutes premières formes d’écriture (inventaires de ressources, livres de compte de Mésopotamie). Lister, c’est rejouer un acte aussi simple qu’antédiluvien. Cette grandiloquence que j’affectionne est du plus grand divertissement.
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Je n’aime pas la métaphore de « tenir un siège » : nous avons eu, hier au soir, notre lot de ce lexique militariste toujours relativement odieux. Comme dirait l’autre, la musique qui marche au pas, ça ne nous regarde pas.
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Il faudra dans les jours à venir se prémunir contre l’engloutissement des informations, toujours plus ou moins décevantes.
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Babel, à nous deux !
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